Au froid dans la grotte... (PV Yazid)

À l'horizon, le soleil terminait sa course, mais le soir ne tomberait pas avant un moment. Les pas de Mina l'avaient guidée dans une grotte, où stalagtites et stalagmites s'entrechoquaient comme si elle venait d'entrer dans la gueule d'un monstre titanesque. Les murs, chargés d'humidité, brillaient d'une fine couche brillante. Elle frissonna. Il faisait si froid qu'elle voyait son souffle former des nuages de buée.

Toc, toc, plic, plic. Ses pas rythmaient la musique des gouttes qui tombaient du plafond. Elle se retourna brusquement lorsqu'un insecte s'enfuit à son passage.

Elle faillit glisser sur une flaque d'eau, mais se rattrapa à un pilier rocheux et se redressa lentement. C'est alors qu'elle sentit que quelqu'un se trouvait avec elle dans le trou de roc. Elle mit la main sur son épée par mesure de précaution. Dans cette atmosphère, on n'était jamais trop prudent...

Yazid était de nature réservée et appréciait les moments de solitude qu’il pouvait trouvé lorsqu’il ne travaillait pas au restaurant. Il avait exploré plusieurs endroits mais celui qu’il avait préféré était la grotte Kalten. Il n’y avait pratiquement personne et le froid lui donnait une sensation d’être ailleurs, loin de ce monde où il fait pratiquement toujours chaud. Cependant il fallait veiller à avoir plusieurs couches de vêtements sur sois.

Quand il vit que quelqu’un arrivait par la. Il se fit tout petit. Il accentua cette tentative lorsqu’il réalisa que c’était une jeune jolie demoiselle. Yazid était incapable de prononcer un mot en présence de ceux-ci. s’il le faisait, il bégayait un tantinet. Pendant un instant, il crut qu’elle pourrait passer devant lui sans le voir mais la demoiselle glissa et cela orienta son regard vers lui.

Il la vit porter sa main au manche de son épée, et afin de lui montrer qu’il ne lui voulait aucun mal, il lui adressa un sourire pas trop assuré.

Mina se détendit en voyant le sourire un brin nerveux de l'autre garçon. Son visage lui fut sympathique, ce qui était plutôt rare vu son éternelle méfiance. Il est vrai qu'elle s'améliorait un peu de ce côté.

Elle frissonna un peu sous l'air ambiant. Elle s'en voulut de ne pas avoir emporté de vêtements plus chauds, pourtant elle savait dès le départ que la grotte serait glacée.

Les gouttes continuaient de tomber sur le sol de pierre; l'une d'elles tomba dans ses cheveux. Elle regarda le garçon et se dit qu'il fallait sûrement trouver quelque chose à dire, mais quoi? Elle finit par décider de commencer par le commencement...

-Eum... Bonjour, je m'appelle Mina, comment vous appelez-vous? Ou alors... Comment allez-vous? Ou...

Elle bafouilla un peu lorsqu'elle ne trouva rien de plus original à dire et se tut, furieuse contre elle-même. Décidément, se faire aprécier des inconnus n'était pas son fort...

Yazid avait bien des défaut, mais le plus présent et le plus puissant d’entre eux, était qu’il était incapable de s’adresser à une fille. Chaque fois, il figeais et avait l’aire d’une grosse tarte. Pourquoi cette fois serait différente. C’était pourquoi il avait espéré que la jeune femme passe à côté de lui sans lui adresser la parole et se contenter de lui rendre son sourire qu’y avait paru un peu moins assuré qu’il l’aurait voulu.

Il se sentit toutes fois un peu plus alaise quand il vit la demoiselle bégayer. Au moins, il savait désormais qu’il n’était pas le seul à réagir ainsi. Mais était toujours comme ceci, ou était-ce seulement que Yazid avait l’aire si peu sur de lui qu’elle le percevait et il la rendait aussi déstabilisée. Il aurait pu poser des hypothèses toute la journée, mais il avait une question à répondre. Il lui rendit une réponse plus ou moins assurée :

-B… b… bon…bonjour. Je, oui, he, moi, c’est Yazid, oui, c’est ca.-

Il se sentait si ridicule. Il était vraiment incapable de parler à une fille.

Mina sentit bien que c'était sa présence qui gênait Yazid, ce qui la fit rougir et se glacer en même temps tout en lui donnant l'impression d'être complètement ridicule. Elle ricana intérieurement en imaginant que quelqu'un approche et voie ce tableau de deux personnes figées totalement incapables de réagir. Ça n'était sûrement pas de toute beauté... Elle sentit qu'il valait mieux réagir, autrement la situation pouvait rester ainsi un très, très long moment, silence gêné interminable et pathétique.

-A-Alors... Que... faites-vous ici? C'est... joli ici, non? Et froid, ah ça oui, très froid, j'aurais dû prendre un manteau... Enfin on s'en fiche, non? Dans un sens il ne fait pas si froid non plus... je suppose... ou pas?

Elle se secoua. Absolument pathétique.

Elle avait l'impression que l'un et l'autre se gênaient mutuellement, les deux cherchant solitude pour trouver de l'embarras. Elle aurait aussi bien pu se mettre à jongler en dansant le cha-cha sur un tonneau qu'elle n'aurait pas eu une tête différente.

Un silence très embarrassant s’était établis entre les deux personnes. Yazid rit de la situation.

*Voilà deux imbéciles qui sont complètement incapable de dire un mots à l’autre… *, pensa-t-il.

Cela vaincu un peu sa timidité. Elle avait déjà été un peu écartée par Satila, mais pas complètement avec les autres filles. Il choisit donc de répondre à la question qui avait brisé l’infini silence.

-He bien, je ne promenait ici, cherchant de la solitude.-

Il se reprit immédiatement

-Non que tu m’indispose. Au contraire, je suis heureux de te rencontrer. Mais c’est vrai qu’il fait froid ici. Que dirais-tu de sortir d’ici et de retrouver le soleil?-

Le jeun homme commença donc à marcher dans la direction qu’empruntait Mina avant de s’arrêter en espérant qu’elle le suive.

Mina suivit Yazid des yeux, puis, lorsqu'il se retourna comme pour voir si elle était toujours là, elle lança un vague :

-D'accord...

Elle était un peu surprise qu'il ne bégaie plus; sans doute avait-il remarqué qu'elle aussi n'avait pas vraiment prévu croiser quelqu'un.

Elle se dirigea elle aussi hors de la grotte, ses pas se répercutant toujours contre les parois de pierre. Elle vit que la lumière brillait toujours au-dehors. Aucun doute, il y ferait nettement plus chaud. Au moins ainsi, ses dents cesseraient-elles de s'entrechoquer et pourrait-elle parler normalement.

Elle fut heurtée de plein fouet par les vents violents qui sévissaient. Tranquillement, elle s'habitua et put admirer pleinement le ciel et le point de vue.

Lorsque Yazid atteignit la sortie, il fut aveuglé par le soleil. Il connaissait bien l’endroit et repéra une plateforme un peu plus haut, au dessus de l’entrée de la grotte. Il se dit qu’ils seraient bien là, sous les chauds rayons du soleil d’après-midi. Il commença à escalader la paroi rocheuse. Pour lui, cela constituait un jeu d’enfant car il l’avait souvent fait. Mais il se rappela qu’il n’était pas seul. Il ignorait si Mina serait assez habile pour atteindre l’endroit où il voulait aller. Galant comme il était, il l’aida à monter, même s’il était sure qu’elle pouvait y arriver sans son aide.

Une fois arrivé en haut, il observa la plateforme avec satisfaction. Elle était assez grande pour qu’on puisse s’y coucher et les deux de seraient pas trop tassés. Il s’étendit donc sur le dos et regarde le ciel d’un bleu infiniment clair. Il se tourna vers la jeune fille pour voir ce qu’elle faisait.

Mina suivit Yazid lorsque celui-ci s'attaqua à l'escalade de la paroi rocheuse. Elle ignorait le but d'une telle manoeuvre, mais elle calqua son pas au sien : il devait connaître l'endroit. Elle se débrouillait assez bien en escalade, mais accepta son aide lorsqu'il l'aida à monter. Elle n'était tout de même pas si adroite pour se lancer tête baissée à l'assaut d'une falaise dont elle ne savait rien.

Lorsqu'ils arrivèrent au sommet, elle aima tout de suite la plateforme, avec son point de vue sur le ciel, l'eau en contrebas et les nuages qui flottaient quelque part entre les deux. Elle vit que Yazid s'allongeait, chercha des yeux un endroit où les caillous n'étaient pas trop pointus et s'étendit de tout son long face à l'infinité bleue du ciel...

Tournant la tête, elle s'adressa à Yazid :

-Comment ça se fait que tu savais qu'il y avait un endroit comme celui-là dans le coin? Tu vis peut-être pas loin, je ne sais pas?

Elle fut contente de voir qu'elle ne bafouillait plus non plus. Il est vrai qu'elle s'améliorait un peu, du côté du social...

Le jeune homme resta un petit moment à regarder les nuages blancs qui cachaient parfois le ciel bleu. Il se tourna ensuite vers Mina qui était rendue couchée à ses côtés. Lorsqu’elle lui posa une question, Yazid remarque qu’elle ne bafouillait plus, et cela lui arracha un sourire en coin. Il resta longtemps pensif avant de répondre à la question. Pourquoi? Il l’ignorait. La réponse était pourtant simple.

-En fait, vivre au château est assez essoufflant et on manque parfois d’intimité. J’ai pris l’habitude de me retirer ici lors de mes pauses, ou lorsque je ne travaille pas. Cela fait quand même longtemps que je suis arrivé ici, alors j’ai eu le temps d’explorer l’endroit. Mais toi, es-ce la première fois que tu passe par ce chemin, ou plutôt que tu t’y attarde?-

Sa question n’avait pas vraiment de but précis. Il cherchait un sujet de discussion et c’était le seul sujet qu’il lui était venu en tête. Il ne se trouvait point original. Ils étaient loin de pouvoir partir une vraie discussion sur ce sujet, mais au moins, il pourraient parler.

Mina tourna la tête. Au château? Quelle place pouvait-il bien y occuper? Un chevalier? Un valet? Ou... un prince?

Mais elle chassa vite cette hypothèse. Tout bonnement impossible, bien sûr : ses vêtements suffisaient à le prouver, bien nanti sans être particulièrement riche. Elle finirait bien par satisfaire sa curiosité, se dit-elle.

Elle fut un peu surprise de le savoir essoufflé, mais pas d'apprendre qu'il était habitué. S'il était fatigué, il savait très bien le dissimuler, mais il avait tout de suite repéré cet imprenable point de vue.

-Moi? J'ai trouvé cet endroit un peu par hasard. Pas que ce soit la première fois que je me ballade comme ça. Jamais je n'atterit au même endroit. D'ailleurs, je ne savais même pas que cette grotte existait avant... Mais toi, comment se fait-il que tu travaille au château?

Elle se réprimenda intérieurement pour ne pas savoir dissimuler sa curiosité. Elle n'avait décidément rien appris de politesse, semblait-il. Pas qu'on aie vraiment voulu lui apprendre, d'ailleurs...

Et elle s'abîma une fois de plus dans les réflexions qu'elle faisait tout pour chasser.

Yazid observa attentivement Mina. Il n’avait pas eu vraiment l’occasion de le faire, étant trop occupé à éviter son regard et à vaincre sa timidité. Elle était vraiment belle et possédait un charme tel compte. Sa longue chevelure blonde rappelait le blé des champs et ses vêtements donnaient l’impression qu’elle était matelot. Étai-ce possible?

-Moi, pourquoi je travaille au château? Eh bien, c’est parce que je suis le sous chef cuisinier. Tu ne dois pas habiter là, car tout le monde me connais pour mon manque de talent et ma maladresse.-

Il dit cela sans savoir si c’était d’un ton ironique ou bien étai-ce vraiment vrai? Il enchaina quand même avec une question destinée à Mina en se disant que ce détail n’en était qu’un petit.

-Mais toi, que fais-tu comme métier? Vis-tu au château?-

Mina fut tirée de sa rêverie par les questions de Yazid. Elle le regarda attentivement. Les yeux bleus, les cheveux couleur blé... Et cette adresse lorsqu'il avait grimpé au rocher... Il n'avait pas du tout le physique de sa réputation. Ses vêtements ne rappelaient pas particulièrement ceux des cuistots, mais il n'avait pas non plus à se ballader avec une toque sur la tête. Elle lui dit catégoriquement :

-Je suis sûre que tu n'es pas si maladroit qu'on dit. Et personne ne manque de talent. Tu n'as pas à te soucier de ça pour faire ce que tu veux.

Elle savait de quoi elle parlait. Elle se rappela la réaction de la plupart des gens qui apprenaient qu'elle travaillait dans un métier si dangereux, "pas pour une demoiselle digne de ce nom". Elle n'avait que faire de ces reproches-là. Mais en était-il de même pour Yazid et sa "maladresse"?

-Moi? Je suis matelot sur un bateau, alors s'il y a bien un endroit dont je vis loin, c'est bien du château!

Yazid écouta les paroles de Mina avec un léger regard d’admiration. Ses paroles étaient bien sages, bien sages. Après tout, c’était peut-être vrai qu’il n’était pas si maladroit. Mais ce qu’il faisait pour l’instant s’y résumait vraiment. Peut-être un jour réussira-t-il à travailler là-dessus… À près tout, tout le monde travaillaient sur leur défaut et leur difficultés. N’est-ce pas là le but d’une vie?

Il s’était presque perdu dans ses pensées en s’enfonçant de plus en plus profond dans cet question quand Mina répondit enfin à sa question. Il doit dire qu’il fit le saut en entendant la réponse. Jamais il aurait pu deviner qu’une fille aussi délicate qu’elle pouvait être matelot. Mais cela ne le déplu pas. Il l’admirait. Il fallait vraiment être forte, autant mentalement que physiquement pour exercer ce métier.

-Wow, tu m’impressionne. C’est un métier bien plus intéressant que cuisinier, bien que moi je ne changerait jamais. Ma vie appartient à la cuisine, même si je n’ai pas encore trouvé le talent.-

Mina sourit à l'évocation de son métier. Bien qu'elle douta un peu de ce qu'être matelot fut plus intéressant qu'un autre métier, elle ne put s'empêcher de s'imaginer derrière un four, à jeter de l'huile, des épices, de la viande sur un gril grésillant et de se dire qu'il vallait aussi bien pour tout le monde qu'elle ne cuisine pas. Elle avait de nombreuses habiletés; cuisiner n'en faisait pas du tout partie, ce qu'elle expliqua à Yazid :

-Eh bien, sache que toi aussi, tu m'impressionnes de t'être rendu sous-chef! Je n'ai cuisiné qu'une fois - et ç'a été la dernière!

Là-dessus, elle fronça les sourcils en entendant Yazid se contredire lui-même à propos de la cuisine :

-Comment peut-on donner sa vie à une matière pour laquelle on ne croit même pas avoir de talent? Moi, je suis sûre que tu es doué; peut-être que tu manques juste de confiance. Si vraiment tu aimes ça, tu pourras le faire. Même si tu rates une recette, est-ce que ça vaut la peine de généraliser?

Mina s'interrompit avec la désagréable impression d'avoir trop parlé. Elle fixa à nouveau le ciel pour cacher à quel point elle en était gênée.

Yazid Sourit à l’évocation farfelue de Mina. Si lui aussi s’était arrêté à sa première fois qui était surement aussi pénible, même plus, qu’elle, il ne serait jamais rendu où il était.

Puis, il eu un autre sourire, mais cette fois en coins lorsque la jeune femme lui fit part de ce qu’elle pensait.

-En fait, oui, il est possible d’aimer quelque dans lequel on est dépourvu de talent. Suffit simplement de croire qu’un jour, on pourra enfin arriver à son but, celui de réussir. En fait, je dit que je ne suis pas si doué, mais je ne suis pas si pire que ça… Avec le temps, j’ai beaucoup progressé.-

Puis, Yazid porta ses yeux au ciel où le soleil lui indique que les quatre heures arrivaient.

-Mina, j’ai été vraiment enchanté de faire ta connaissance et de parler avec toi, mais malheureusement, le travaille m’appel justement. Si je veux avoir le temps de faire à manger pour TOUT les habitants du château, il faut que je m’y mette bien tôt!-

Mina vit que le soleil se couchait justement. Les couleurs parant le ciel tel une oeuvre d'un grand peintre tournaient maintenant à l'indigo, se teintant de lumières. Peut-être une sorte de rappel à remettre les voiles vers d'autres horizons...

Puis elle tressaillit : Oh non! C'était justement l'heure où le bateau quittait le port! Il lui fallait rentrer au pas de course! Qui savait s'il n'était pas déjà parti?

-Oui, c'était bien comme conversation. *Elle risque aussi de mal se terminer si tu ne te dépêches pas!* Moi aussi il faut que je partes! Alors à une prochaine fois, peut-être...

Elle sourit, puis entama la descente de la falaise en vitesse.

Elle regardait le mur de pierre, cherchant d'un coup d'oeil éclair quel saillie offrait la meilleure prise. Elle avait fait ce genre de choses assez souvent, aussi parvint-elle à ne pas trop glisser au passage. Ses mèches virvoltaient devant ses yeux, ne parvenant jamais à l'empêcher complètement de voir où elle allait.

Elle parvint finalement en bas sans trop d'égratignures, puis courut vers l'ouest où une mince ligne de lumière subsistait encore. Elle jeta un court regard en arrière, juste assez pour voir Yazid descendre à son tour, puis continua son chemin sans se retourner.

Yazid regarda la jeune femme descendre dans un empressement apparent. Il s’en amusa un peu. Puis, alors qu’elle disparaissait de sa vue, le jeune homme descendit à son tour. Il marcha d’un pas assez rapide pour arriver au château.

Dans la cours, il salua plusieurs passants sympathique et arriva à la cuisine. Effectivement, il était en retard, mais se faufila à travers les employés et pris son post. Ainsi, le chef cuisinier ne pourrait pas s’apercevoir de cette absence. C’est donc en mélangeant plusieurs ingrédients qui dégageaient une odeur alléchante dans la cuisine que Yazid repensa à sa journée et à celles à venir avec un léger sourire au lèvres.

Fin

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